Le prix de la lucidité
Dans l’allégorie de la caverne, Platon nous dépeint comme prisonniers dans la caverne des reflets de la réalité. Un peu comme nous qui passons tout notre temps sur cette lucarne pour lorgner sites, blogs et contacts sans épaisseur. Ne sommes-nous pas aux antipodes du jardin que Voltaire nous invite candidement à cultiver ? Au sortir de la caverne, la lumière éblouit les prisonniers aventureux épris de vérité et de tangible. Cet éblouissement n’est-il pas ce que nous redoutons et ce qui nous maintient mains liées à la souris et à la poignée de la fenêtre de notre messagerie ? Ce papillonnage ne nous détourne-t-il pas également de notre jardin intérieur ? Il est parfois trop évident que se regarder en face avec lucidité et apprécier de la même façon ceux que nous rencontrons sur la terre ferme nous fait courir le risque d’un désenchantement qui confine plus à la répulsion qu’à l’éblouissement. Y voir clair en soi et en l’autre a un prix. Et qui a regardé la lumière en face est pris pour un illuminé par ceux qui se cramponnent à leur caverne. En retour, cette lumière projetée sur leurs ombres en révèle tous les travers jusqu’alors occultés. Il faut posséder une personnalité profondément enracinée pour ne succomber ni à l’auto dépréciation ni à une fatale désillusion de la part des autres. Les solitaires, comme les suicidaires, sont souvent celles et ceux qui jaugent tout au travers de cette lumière qui les fait passer pour aveugles aux yeux des vrais aveugles. Aussi, nous le rappelle Platon, celui qui a vu la lumière doit accepter de retourner dans la caverne, tout ébloui ou émerveillé qu’il puisse être, pour témoigner de la lumière au lieu de se lamenter que tous n’y baignent pas déjà ou de se complaire d’appartenir enfin au clan des libérés qui, du reste, risque de se retrouver prisonniers du cercle des "bienheureux", ou prisonnier de son extase. Quelle est ma caverne ? Comment nommer la lumière qui m’attire, me bouscule ou me fait peur ? Qu’est-ce que je partage du peu ou prou de la lumière déjà reçue ? Où en es mon désir de lumière toute habitante et toute partagée ? A la bougie de notre cellule ou sous les néons de notre bureau, laissons les mots nous guider en cordée, telles les torches de ces humains en pleine ascension dans l’allégorie de Platon.
