Amour des mots
Quelle puissance revêtent les mots pour que l’on puisse avancer ‘Non ce n’est pas l’amour qui fait les histoires d’amour, ce n’est pas ça toujours…ce sont nos mots d’amour » (Michel Polnareff) ?
Il est vrai qu’il est déplorable qu’il n’existe guère de mots d’amitié, comme si ce sentiment pouvait s’en passer ou comme s’ils restaient à inventer. Peut être que dire « mon ami(e) » résume un lien du cœur avec des mots pleins et suffisants à eux- mêmes, tandis qu’en amour, on se satisfait difficilement d’un terme « générique », lui préférant dans un premier temps des noms d’animaux apprivoisés : ma biche, mon canard, ma tourterelle, mon nounours…jusqu’à ce qu’advienne l’âge des noms d’oiseaux.
Mais dans tous les cas de figure, ne sommes nous pas menés, voire abusés, par les mots ?
Tous les canards et toutes les biches ne vaudront jamais un vrai Je t’aime.
Surtout si celui-ci se solde non seulement de câlins sonnants et trébuchants mais aussi d’actes sans équivoque à la bonne odeur de long terme.
On préfère trop souvent les mots qui ne mouillent pas car le Je, joint au verbe Aimer, n’est pas qu’un assortiment de mots doux. Il engage qui les prononce. On peut ‘retenir’ (différer ?) cette déclaration par timidité ou par honnêteté. Pour l’un, ce sont des mots initiatiques qui commencent une histoire, pour d’autres des mots qui viennent clore l’épilogue.
Il est bien connu que l’honnête homme est enclin à ne livrer sa déclaration qu’in extremis, cela vaut pour les revenus comme pour « les Grands sentiments », autre chanson iconoclaste de Polnareff.
Les chanteurs sont à l’image de bien des hommes : ils ne font que parler d’amour, mais au fond n’aiment que parler.
