Tressé gagnant
On peut filer un très bon coton et obtenir une tresse décevante. Difficile ensuite de démêler l’écheveau pour y retrouver chaque point de confusion. Il en va de même de notre affectivité qui tisse en permanence une tresse à trois fils : Notre désir infini d’être aimé pour ce que nous sommes Notre besoin d’aimer et de nous donner Notre sympathie spontanée ou notre admiration naturelle. La première erreur de tissage serait de laisser cette dernière fibre embrasser les deux autres, alors que chacune doit rester autonome et mouvante à volonté. Cette méprise très répandue porte parfois le nom d’une maladie qui « foudroie dans la rue cet inconnu qui passe » ou fait des ravages dans les cœurs des collégiennes médusées « par le charme innocent d’un professeur d’Anglais ». Plus prosaïquement, nous lions sans nous en rendre compte notre admiration, notre appréciation vouée à une personne, avec les deux autres fibres de notre affectivité et cela crée un attachement désordonné. Nous en venons à nous attacher à la personne chez laquelle nous avons reconnu des qualités qui nous séduisent ou nous correspondent sans interroger nos deux autres fibres. De ce fait, on en oublie trop souvent que nous ne sommes pas l’unique humain susceptible d’apprécier cette personne et vice versa. D’où la nécessité de tisser pas à pas, fibre après fibre, chacune restant bien a sa place naturelle. Ce n’est qu’une fois la tresse bien avancée que nous pouvons prendre le recul indispensable pour évaluer la beauté et la justesse de l’œuvre en cours et faire le constat de la conformité du résultat avec le modèle. Il resterait à rappeler que toute la difficulté provient souvent du fait que nous oublions que nous sommes censés tisser cette tresse à deux en synchronie.

