Beaux chapeaux de roues
On dit volontiers ‘Tout beau tout neuf » sans réaliser que nous présupposons que la nouveauté possède en soi des atouts privilégiés. Ce qui s’applique à un chapeau s’applique également à l’intérêt que nous portons à un livre, à un film, mais aussi à une relation. Molière ne nous rappelle-t-il pas dans son Don Juan que « Les inclinations naissantes ont des charmes incomparables » ? Si le Don Giovanni de Mozart débute et insiste sur la comptabilité des conquêtes, celui de Molière cerne bien le syndrome « donjuanesque » qui consiste à jouir du jeu de la séduction et des premiers émois. Ce qui nous charme dans la nouveauté est justement qu’elle s’amorce bien souvent sur les chapeaux de roues pour atteindre ensuite son allure de croisière. De cet « acquis » peut naître la nostalgie du charme incomparable de l’inclination naissante. Les frissons de la conquête et l’impatience de la découverte ne sont plus le moteur premier et les roues menacent de s’enliser dans le déjà-là de la routine et dans le jamais-plus des débuts passionnels. Avoir conscience des règles et des risques du parcours peut nous aider à ne pas nous exposer aux sorties de piste douloureuses pour soi-même et pour autrui. Mais rien nous empêche de conduire notre vie tambour battant du premier au dernier tour de piste en bichonnant nos chapeaux de roues. Qui veut aimer longtemps ménage son allure.
